INTRODUCTION
Le modèle de molécule jusque là employé
est relativement rigide et seule la rotation libre autour de la liaison
est prise en compte. Or on a constaté que les liaisons chimiques
sont relativement souples et que au delà de la forme moyenne des
liaisons, certaines interactions sont à prendre en considération.Les
liaisons peuvent se tordre, s'allonger, les angles s'ouvrir ou se fermer,
les atomes se toucher ou se gèner.
L'énergie totale d'une molécule est la différence
entre l'énergie des atomes isolés et celle de la molécule
formée. C'est une enthalpie libre qui est négative puisque
la molécule existe, qui dépend des conditions de mesures,
(conditions standard 25°C, 1 atm ) et de l'état de la molécule.
Cette valeur est variable du fait de la modification de la forme de la molécule,
engendrant une variation de son énergie. Comme un ressort voit
son énergie varier , quand on le comprime, il en accumule, quand
il se détend, il en libère.
Parmi les facteurs qui ont un effet reconnu sur la géométrie,
on compte: les répulsions entre électrons non-liants , entre
liaisons, les tensions de cycles, les torsions etc., classés sous
le nom d'effets stéréo électroniques. A cela
s'ajoute, les interactions moléculaires, telles que liaisons H,
interactions dipoles-dipoles etc. La géométrie correspondra
au minimum d'énergie de la molécule.
Les différentes formes que peut prendre une même
molécule sont appelées conformations.
Contraintes stériques
et mécanique moléculaire.
Une approche des variations d'énergie d'une molécule
selon ses formes a été proposée par WEISTHEIMER en
1956. La méthode a pour nom mécanique moléculaire
ou encore Calcul empirique des champs de force.
La molécule adopte la forme correspondant à l'énergie
minimale.
L'énergie minimale sera d'autant dépassée que chacun
des paramètres la constituant sera éloignée de sa
valeur idéale. On postule l'additivité de chacun des termes
et l'énergie de contrainte ou énergie stérique est de
la forme
E ster = E (r) + E (
) + E(
) + E(d)
où E(r) est la composante associée à la variation
de la longueur de liaison compression ou étirement.
E(
) est associée à la variation des angles de liaison
E(
) est associée à la variation des angles dièdres
(torsion des molécules)
E(d) est associée à l'interaction entre atomes non liés.
Les formes mathématiques sont celles de la mécanique classique
où les champs de forces dérivent d'un potentiel énergétique.
E(r) = 0,5 (r-r0)2.
E(
) = 0,5 (
0-
)2.
E(
) = 0,5 V0(1+ cos 3
).
La contrainte de torsion est une fonction sinusoïdale du dièdre
et V0 est la barrière d'énergie de rotation.
Pour l'éthane: V0 = 2,8-2,9 kcal.mol-1.
E(d) est plus difficile à évaluer. Elle peut correspondre
soit à une attraction soit à une répulsion. Quand
deux atomes neutres s'approchent l'interaction très faible à
longue distance devient importante et attractive quand la distance approche
la somme des rayons de Van-der-Waals, mais devient répulsive et s'accroît
très rapidement dès que leur distance s'amenuise. L'attraction
appelée force de LONDON ou force de dispersion est due à
la polarisation mutuelle des atomes.
Table des rayons de Van-der-Waals. (Å)
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La représentation de Newmann est très utile dans ce cas. La libre rotation autour de la liaison C-C donne plusieurs formes de molécules qu'on peut repérer selon l'angle dièdre H:C1:C2:H. La distance entre les hydrogènes les plus proches est aisément calculable (exo et corrigé) entre 2,.27 Å et 2,43 Å. Compte tenu du rayon de van-der Waals de l'hydrogène un gène stérique défavorise la forme eclipsée. On ajoute à celà la répulsion provoquée par le rapprochement des liaisons H-C1 et H-C2. La courbe donnant la différence d'énergie entre ces formes en fonction de l'angle dièdre , est appelée courbe de conformation. Pour l'éthane c'est une simple sinusoïde dont la période est 120° et l'amplitude environ 1,5 kcal/mol.
angle dièdre HCCH dans l'éthane:
Conformations décalée, quelconque, éclipsée de l'éthane
Cas du n-Butane
Le jeu combiné des forces de torsion et des interactions entre atomes non liées est illustré par la courbe de conformation du n-butane.
Considérons la courbe obtenue en faisant varier le dièdre C1C2C3C4, (axe C1C2).
Le diagramme du n-butane présente 2 valeurs de minimum différentes et deux valeurs de maximum.
Pour = 0° et 360° max. conformation éclipsée C1-C4 au plus près E= 6 kcal.mol-1
Pour = 60° et 300° mini conformation décalée gauche E= 0,8 kcal.mol-1
Pour = 120° et 240 max. conformation éclipsée E= 3,4 kcal.mol-1
Pour = 180° min. conformation décalée anti C1-C4 au plus loin E= 0 kcal.mol-1 (référence)
DENOMINATION des CONFORMATIONS
La position relative des deux méthyles, est repérée par une dénomination spécifique utilisée pour tout substituants
valeur de = 0° | = 60° | = 120° | = 180° |
synpériplanaire abrégé sp | synclinale sc ou gauche | anticlinale ac | antipériplanaire ap |
et Go = -RT Ln K de la réaction suivant le tableau ci-dessous.
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Conformation des molécules acycliques.
Saturées
En général les hydrocarbures simples suivent les règles observées pour l'éthane et le butane. Les conformations éclipsées correspondent à des maxima, celles décalées à des minima. Les formes décalées anti sont plus stables que les gauches. Des valeurs ont été mesurées (tab : 3-4). Les techniques de mesures sont les spectroscopies de micro-ondes, infrarouge, d'absorption ultrasonique et le diffraction électronique.
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La substitution d'un méthyle à un hydrogène produit une augmentation de la barrière de potentiel de 0,5 à 0,6 kcal.mol-1. 2,88 à 3,4 3,9, 4,7 pour 1,2,3 Me substitués.
La barrière est notablement plus faible avec le méthylsilane 1,7 au lieu de 2,88. Ceci est interprété par l'effet de la variation de la distance entre les atomes C-C = 1,54Å alors que C-Si = 1,87 Å.
Les dérivés halogénés ont tous une barrière comparable entre 3,2-3,7 kcal.mol-1. L'augmentation par rapport à l'éthane est probablement due à une force de répulsion plus forte. Les plus lourds ont un rayon de Van-der-Waals plus grand, mais ceci est compensé par une longueur de liaison C-X supérieure qui éloigne les atomes.
En changeant la nature de l'atome lié au carbone par N ou O on observe une décroissance de la barrière de 2,88 à 1,98 puis à 1,07 kcal.mol-1. C'est à peu près le rapport 3:2:1 correspondant au nombre d'atomes d'hydrogènes éclipsés.
La présence d'un méthyle sur l'hétéroatome provoque une forte augmentation de la barrière à 3,62 et 2,7 soit une variation de 1,6 kcal.mol-1 par rapport au composé non méthylé. On attribue cet effet, beaucoup plus fort que dans les alcanes (0,5-0,6), au raccourcissement des liaisons C-O (1,42Å) et C-N (1,47 Å) par rapport à C-C (1,54 Å).
Insaturés
Alcènes
La répulsion entre des liaison et peut être illustrée dans le cas du propène. Dans cette molécule, les liaisons CH du méthyle et la liaison ont deux positions limite type: éclipsée ou bissectée La première est favorisée par une barrière de 2 kcal.mol-1. Ceci peut s'interpréter en considérant le plan nodal de la liaison où la répulsion entre le nuage du H et le nuage est plus faible que si les deux hydrogènes sont situés de part et d'autre du plan.
Eclipsée A Interaction faible Bissectée B Interaction forte
AldéhydesLes composés carbonylés ont un comportement analogue aux alcènes. L'acétaldéhyde présente une barrière de 1,1 kcal.mol-1 entre la forme éclipsée et la bissectée. Elle semble en grande partie due à l'interaction entre l'H en C2 et celui de l'aldéhyde quand ils sont éclipsés (conf. bissectée par rapport à C=O).Le propanal présente la forme favorisée éclipsée (Me:C=O analogue de A). Mais si le groupe substituant est trop gros c'est la forme B qui est la plus stable ( t-Bu, cas du 3,3 diméthylbutanal ).
CétonesLes cétones aussi se présentent sous des conformations éclipsées où le plus souvent un groupe alkyl plutôt qu'un hydrogène éclipse le carbonyle ( voir la formule de la 1-3 pentanone).
s-trans (transoïde) s-cis (cisoïde) biaise (skew)
Conformation des dérivés du cyclohexane.
Très étudié, le cyclohexane est un bon exemple de composé ayant plusieurs conformations d'énergie minimum. L'analyse conformationnelle indique que les barrières de potentiel sont plus hautes et donc plus facilement mesurables que dans les autres familles d'alcanes et de cyclanes. La configuration la plus stable est la forme chaise. Les mesures de diffraction électroniques en phase gazeuse montrent un léger aplatissement de la molécule par rapport au modèle géométrique obtenu par juxtaposition de tétraèdres.
Longueurs : C-C = 1,528 Å C-H = 1,119 Å
Angles: C:C:C = 111,5° Dièdre C:C:C:C = 55,9 ° C-H: Axe S6 = 7°
Les liaisons axiales sont légèrement orientées vers l'extérieur et font un angle de 7° avec la verticale (axe S6).
Les deux autres types de conformation sont la forme bateau et la forme twist. toutes deux sont moins stables que la chaise. Les calculs donnent une barrière de 5 kcal.mol-1 pour le twist et 6 kcal.mol-1 pour le bateau. Des mesures plus précises en IR à basse température donnent 5,5 kcal.mol-1 entre twist et chaise. Ces deux formes sont plus flexibles que la chaise, mais déstabilisées par des contraintes de torsion (H éclipsés) . De plus dans le bateau une répulsion HH en C1-C4 augmente la déstabilisation. Les deux H ne sont distants que de 1,83 Å, soit moins que la somme des rayons de Van-der-Waals (2,4 Å).
Une forme chaise peut donner une autre forme chaise dans une inversion de conformation qui se produit suite à la rotation des substituant autour des liaisons C-C du cycle. Pour le cyclohexane, la constante de vitesse d'inversion (1° ordre) est de 104 à 105 s-1 à 300K. L'enthalpie d'activation est 10,8 kcal.mol-1. L'état de transition serait selon le calcul une forme demi-twist .
Les substitution du cycle n'affecte que peu la vitesse d'interconversion chaise-chaise, mais influe fortement la répartition de l'équilibre entre les deux chaises. Le passage de la position axiale à l'équatoriale, favorise les groupes encombrant dans cette dernière. Par exemple pour le méthyle, 95% est en conformation équatoriale.
Tab. Energie de conformation en kcal.mol-1 de différent substituants.
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Commentaires.
Halogènes : le fluor, qui a un rayon de Van-der-Waals de 1,47Å, montre la plus faible valeur (-0,25), tandis que pour les autres la variation est faible (0,47-0,53 Å), l'augmentation du rayon de Van-der-Waals étant compensée par l'augmentation de la longueur de liaison C-X.
Alkyles : méthyle, éthyle et isopropyle ont des valeurs comparables (1,8-2,1) ce qui traduit la possibilité de conformations minimisant les encombrements. Avec le tertiobutyle cette possibilité disparaît il en résulte une valeur forte de près de 5 kcal.mol-1 , de l'ordre de celle séparant les formes chaises et twists. Cette valeur entraîne une très forte proportion de conformère équatorial. Mais il ne faut pas confondre conformation favorisée et conformation bloquée, car l'interconversion est toujours possible même à vitesse réduite dans le premier cas.
Quand deux ou plus substituants sont présent sur un cyclohexane, on retrouve ces valeurs en accord avec l'expérience.
Ex: diméthylcyclohexanes 1,2-, 1,3-,et 1,4- les valeurs des G0 d'isomérisation cis-trans sont les suivantes
G0 = -1.87 kcal.mol-1
G0 = +1,96 kcal.mol-1
G0 = -1,90 kcal.mol-1
Conformation des cycles à 3, 4. et 5 carbones.
Cyclopropane.
Pour tous ces cycles le calcul de la distance entre le premier et le dernier carbone d'une chaîne saturée tout éclipsée donne une valeur supérieur à 1,54 Å, laissant supposer un alcane cyclique tendu et plan. Ceci est vrai pour le cyclobutane. La tension est extrêmement forte et les angles de liaison à 60° sont loin des 109° des alcanes linéaires.
Les mesures faite sur cette molécules confirment la planéïté des atomes de C disposés selon un triangle équilatéral, ce qui paraît assez évident, mais les longueurs de liaison ne sont que de 1,51Å et l'énergie de liaison C-C n'est que de 272kj.mol-1 (65,0 kcal.mol-1).
On retrouve ces valeurs avec un recouvrement orbitalaire coudé d'angle 104° entre les OA d'un même carbone.
Cyclobutane.
Le cyclobutane est a priori moins tendu, en fait les mesures montrent que le cycle n'est pas plan.
L'angle CCC est de 88,5° et la longueur de liaison est de 1, 551Å . Le cycle est plié selon une diagonale selon un dièdre de 26°. L'inversion du dièdre est rapide, et chacun des carbones est successivement hors du plan des trois autres.
Cette structure correspond à un diminution de la tension angulaire, qui diminue et se ramène au niveau des interactions entre les C-H éclipsés. De ce fait une structure moyenne minimisant l'ensemble des interactions s'établit. L'énergie d'une liaison C-C est de 264kj.mol-1 (63,1kcal.mol-1). Les liaisons sont toujours courbes. L'énergie de contrainte se maintient à 110,3 kj.mol-1 (26,35 kcal.mol-1) et ce cycle s'ouvre aussi avec l'hydrogène sur palladium.
Cyclopentane.
L'angle du pentagone 108°, et le calcul des distances C-C peut laisser penser que le cyclobutane n'est pas tendu, c'est oublier les interactions des hydrogènes éclipsés. Il y a deux conformations d'énergie minimale une en "enveloppe" et une "demi-chaise".
L'énergie de contrainte est de 27,5 kj.mol-1 (6,6 kcal.mol-1). Le cyclopentane ne donne pas lieu aux réactions d'ouverture de cycle des cycles plus petits.
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